Totalement illégal !...
Le terme de réquisition est un « faux-ami ». Seule existe juridiquement la réquisition civile (loi du 11 juillet 1938 et ordonnance du 07 juillet 1959) quand la cessation de travail est de nature à porter une atteinte suffisamment grave, soit à la continuité du service public, soit à la satisfaction des besoins de la population. L’ouverture de ce droit demeure réservée à des circonstances exceptionnelles et nécessite un décret pris en conseil des ministres ou un arrêté du Préfet. Autrement dit, les autorités territoriales, maires ou présidents, n’ont aucune compétence pour instaurer une telle réquisition.
La liste des personnels "réquisitionnables" doit avoir été débattue en CTP. De plus, l'arrêté de réquisition émane du maire. Il est individuel, motivé et doit être remis en main propre à l'agent par un agent de la force publique ou assermenté.
Une réquisition par téléphone, émanant d'un chef de service, par note de service, non notifiée dans les règles précitées, est nulle et sans effet.
Il est totalement illégal pour l’autorité territoriale de réquisitionner l’ensemble de l’effectif d’un service, plusieurs jugements considèrent que le service minimum en cas de grève correspond à peu près au service minimum des dimanches ou jours fériés. Les limites apportées au droit de grève doivent seulement être celles indispensables à la sauvegarde de l’ordre public. Le service minimum n’est pas un service normal et la seule gêne supportée par les usagers ne peut suffire à priver les agents du secteur public du droit de grève (ex. ATSEM, personnels des crèches etc.).
En droit administratif général, le Préfet dispose d’un certain nombre de prérogatives de puissance publique propre à sa fonction. Il intervient dans les procédures administratives d’intérêt général, notamment réquisitions. A ce titre, le pouvoir de réquisition lui est délégué de plein droit dans le cadre de mesures exceptionnelles dûment motivées (urgence, périls imminents, principe de précaution…) et répondant à certaines de ses missions essentielles : Sécurité des biens et des personnes, maintien de l’Ordre public et mesures de préservation et de protection de la Santé publique. Dans tous les autres cas, la réquisition ne semble pas adaptée à la situation.
En vertu de la jurisprudence (CE, Sect. 24 février 1961, Isnardon, Recueil Lebon page 150, A.J.D.A. 1961 page 204, note J. Savatier), le recours à la réquisition n’est jugé légal que si la grève est de nature à porter une atteinte suffisamment grave, soit à la continuité d’un service public, soit à la satisfaction des besoins de la population. Le choix du préfet de réquisitionner une partie du personnel ne doit être guidé que par la nature des fonctions exercées et non systématiquement du fait du niveau hiérarchique de l’agent.
La désignation est un autre moyen d’empêcher des salariés de faire grève dans le secteur public. Il s’appuie en effet sur le principe de continuité du service public. Ainsi, en vertu d’une jurisprudence Dehaene de 1950, un chef de service peut procéder à la désignation des emplois nécessaires à la continuité du service public. Cette possibilité est une création des juges, il n’y a donc pas de règle dans la loi fixant la procédure devant être suivie par le chef de service.
Certaines règles ressortent néanmoins de la jurisprudence administrative.
Ainsi, la désignation n’est évidemment pas justifiée si le service est déjà assuré par des employés non grévistes. La désignation doit être motivée et notifiée aux agents concernés. Cette procédure est possible dans la Fonction Publique mais également dans les entreprises publiques.
Attention !
Les désignations peuvent faire l’objet de nombreux abus. Il faut garder en tête que : seuls les agents/salariés indispensables à l’exécution des obligations du service minimum peuvent être désignés, seuls les salariés travaillant dans les services qui correspondent à une mission de service public peuvent être désignés, il doit y avoir une situation d’urgence, le nombre de désignés doit être restreint au strict minimum nécessaire au fonctionnement d’un service minimum, la désignation doit correspondre à une nécessité d’ordre public.
Si la désignation est justifiée, les agents qui refusent de s’y soumettre sont passibles de sanctions disciplinaires. Pour faire cesser une désignation illégale, il est possible de saisir le juge administratif en urgence pour faire cesser une désignation illégale.
Quoi qu'il en soit, une notion essentielle est prévue par la loi : "toute réquisition ou assignation au travail doit être effectuée sous contrôle du juge".