Bonjour,
L’erreur de l’administration fait-elle échec à la prescription quadriennale ?
Il ressort d'un arrêt du Conseil d'Etat du 10 janvier 2007 que l'erreur de l'administration est sans incidence sur la légalité de la décision par laquelle un ministre oppose la prescription quadriennale à la réclamation d'un administré.
http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?oldAction=rechJuriAdmin&idTexte=CETATEXT000018005119&fastReqId=106357242&fastPos=1
Conseil d'État
N° 280217
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
7ème et 2ème sous-sections réunies
M. Stirn, président
M. Denis Prieur, rapporteur
M. Casas, commissaire du gouvernement
lecture du mercredi 10 janvier 2007
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
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Vu la requête, enregistrée le 4 mai 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Yolande A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :
1°) l'annulation de la décision du 11 mars 2005 par laquelle le ministre de la défense, après avis de la commission des recours des militaires, a rejeté son recours préalable formé contre la décision du 22 septembre 2004 rejetant sa demande de versement de la prime de qualification pour les années 1996, 1997, 1998 et 1999 ;
2°) la condamnation de l'Etat au paiement des arriérés correspondants à la prime de qualification non versée depuis le 1er août 1996 et des intérêts moratoires afférents, au taux légal ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 modifiée relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Denis Prieur, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Didier Casas, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions tendant à la condamnation de l'Etat au paiement des arriérés de la prime de qualification :
Considérant que, par un acte enregistré le 6 juillet 2005, Mme A a déclaré se désister de cette partie de ses conclusions ; que ce désistement est pur et simple ; que rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 11 mars 2005 du ministre de la défense :
Considérant que, pour contester la décision par laquelle le ministre de la défense a opposé à sa demande la prescription prévue par l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 modifiée, Mme A invoque l'erreur qu'aurait commise l'administration en ne tenant pas compte, pour le calcul de sa rémunération jusqu'au début de l'année 2004, du fait qu'elle est titulaire depuis le 1er août 1996 du diplôme d'études techniques et administratives ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que ce n'est que le 18 février 2004 que la requérante a réclamé le paiement des arriérés de prime de qualification non perçue ; que dans ces conditions, la circonstance que ce soit par erreur que la prime en question ne lui ait pas été versée pendant plusieurs années est sans incidence sur la légalité de la décision par laquelle le ministre de la défense a opposé à sa réclamation la prescription quadriennale pour les années 1996, 1997, 1998 et 1999 ; que la requérante ne peut donc se prévaloir utilement de cette erreur ;
Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968 modifiée relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : la prescription est interrompue par toute demande de paiement ou toute réclamation à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l'administration saisie n'est pas celle qui aura la charge du règlement ; (…) toute communication écrite d'une administration intéressée, même si cette communication n'a pas été faite directement au créancier qui s'en prévaut, dès lors que cette communication a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance (…) ; que l'article 3 de la même loi dispose : la prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir (…) ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance (…) ;
Considérant que, pour soutenir que la prescription quadriennale relative à sa créance a été interrompue, Mme A invoque divers écrits émanant des services du ministère de la défense concernant sa situation ; qu'il ressort toutefois de l'examen de ces documents qu'aucun d'entre eux n'a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance ; qu'il s'ensuit que la requérante n'est pas fondée à contester pour ce motif la prescription opposée à sa réclamation ;
Considérant que Mme A n'établit pas l'impossibilité dans laquelle elle se serait trouvée d'agir pour obtenir le versement des primes de qualification non perçues, qu'elle n'indique pas non plus à quel titre elle pourrait être légitimement regardée comme ignorant l'existence de sa créance ; qu'elle n'est donc pas fondée à invoquer les dispositions citées ci-dessus ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir de la décision par laquelle le ministre de la défense a opposé la prescription prévue par la loi du 31 décembre 1968 modifiée à sa réclamation ;
D E C I D E :
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Article 1er : Il est donné acte à Mme A du désistement de ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à lui payer les arriérés de sa prime de qualification.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Yolande A et au ministre de la défense.
Cordialement
Sébastien CHIOVETTA